Mieux connaître et mieux gérer le
sanglier
Source Le chasseur de sanglier – Revue
national de la chasse
L’aire
de répartition du sanglier s’est étendue jusqu'à la montagne ou il côtoie
chamois et isards
Les populations de sanglier ont
véritablement explosé ces dix dernières années. Dans les années 90 on prélevait
entre 110 et 120 000 sangliers, en 99, 2000, on atteignait les 300 000 ; pour
la saison 2000-2001, le chiffre se situe entre 360 à 370 000 sangliers (NDLR :
382 518 très exactement. Source ONCFS). Cela est dû en partie à l'aire de
répartition du sanglier qui s'est étendue à la moyenne montagne et même à la
montagne. Des changements climatiques, moins de neige, ont fait que l'on peut
rencontrer des sangliers à 1800 mètres ou dix ans en arrière on ne voyait que
des chamois.
Autrefois, les sangliers n'atteignaient pas le poids de ceux
d'aujourd’hui, du moins pas aussi rapidement. Il n'y avait pas d'agrainoir. Le
sanglier opportuniste tirait parti de tout, ajustant son menu en fonction de
ses besoins et de la saison.
Il y a vingt ans, la prise de
poids moyenne d'un jeune sanglier était de 2,5
kg par mois. Aujourd'hui, c'est le double.
Une laie en bonne santé et bien nourrie peut produire trois
portées sur deux années civiles. La croissance des jeunes sangliers est de
l'ordre de 130 grammes par jour. A six mois, il pèse 25 kg, 35 kg à 9 mois, 50
kg à un an, 70 kg à 18 mois pour atteindre les 100 kg à 2 ans. Si on admet
qu'un sanglier est adulte l'âge de 6 ou 7 ans, on peut dire que dans la nature
ils sont inexistants. Car survivre au-delà de cinq saisons de chasse relève du
miracle.
«Quand un sanglier n'est plus
chez vous, lui est toujours chez lui» la formule de François Magnien est
connue.
Marcel Voillot précise : «il faut inciter le sanglier à se
sédentariser sur votre territoire. Pour cela créer des points d'eau, des
souilles qui devront être imperméabilisées avec de la glaise pour les terrains
filtrants. L'agrainage modéré doit être pratiqué en plusieurs lieux et par la
même personne. Le sanglier s'accoutume ainsi à une seule odeur humaine.
L'agrainage est toutefois déconseillé en période humide car malsain. Placer du
crud'ammoniac, du goudron, des pierres à sel en mai et juin».
«La création de réserve donne
d'excellents résultats. Inutile qu'elle soit de très grande superficie, l'idéal
étant de s'entendre avec des riverains pour réaliser un jumelage. Choisir un
endroit accueillant, ensoleillé où des bauges ont été repérées. Ces endroits
seront chassés une ou deux fois par saison ou pas du tout. Le sanglier
comprendra très qu'il y est en sécurité».
Le territoire est accueillant, des zones de tranquillité sont
préservées, des laies viendront mettre bas chez vous et là, on peut dire que
c'est gagné. Car les jeunes vont se sédentariser et de toute façon reviendront
sur le lieu qui les a vus naître.
A la base de toute gestion, il y a l'entente entre des sociétés de
chasse, Diane, ACCA, GIC, PGCA, AICA.
La chasse aux chiens courants requiert des grands espaces. Sur un
massif, par exemple, il est souhaitable d'adapter des règles communes avec une
pression de chasse identique sur l'ensemble du territoire, ceci afin d'éviter
les décantonnements d'animaux. Reste alors à effectuer des prélèvements
harmonieux en rapport avec la capacité d'accueil du territoire.
Chasse inorganisée avec lâchers interdits et injustifiés
Afin de pallier la pénurie, les lâchers, souvent interdits et de
toutes les façons injustifiés, vont permettre de regonfler les compagnies pour
la prochaine ouverture. Triste constat. L'argent des chasseurs trouverait
certainement une meilleure utilisation au travers de cultures dissuasives ou de
dispositifs de protection judicieusement placés. Par ailleurs, l'introduction
d'animaux issus d'élevages n'est certainement pas sans incidence néfaste sur le
patrimoine génétique des sangliers.
A la pression de chasse inorganisée, viennent s'ajouter parfois
les mesures de destructions officielles tels les battues administratives ou les
tirs de nuit. Ces actions dictées par l'administration, souvent à la demande
pressante des agriculteurs, sont destinées à éliminer certaines bêtes causant
des dégâts répétés ou à décantonner, voire à réduire quelques compagnies
inféodées aux réserves de chasse et faune sauvage situées en zones agricoles.
Le chasseur de sanglier ne peut se contenter de ce genre d'opérations.
L'initiative de la
gestion doit rester du côté du monde cynégétique, à condition bien
évidemment que ce dernier veuille bien s'impliquer. Afin d'éviter ces
situations de crise, il faut tout d'abord, lorsque les territoires sont en
zones agricoles sensibles, pratiquer une rotation pluriannuelle des réserves.
Ceci permet d'éviter la constitution de sanctuaires perpétuels. En
second lieu, le tir en réserve doit se pratiquer plus souvent. Des dérogations
préfectorales bien cadrées quant à leurs mode d'application, permettent des
interventions rapides et temporellement bien situées des chasseurs afin de prélever
les animaux gênants. Le statut juridique
de l'espèce a également une importance prépondérante quant à la gestion
de Sus scrofa. Celle-ci demeure différente selon que le sanglier est classé
gibier ou nuisible. L'espèce peut être classée nuisible pour deux raisons. La
première résulte généralement de la position des agriculteurs qui voient
souvent, au travers de ce statut, un garde-fou contre une expansion incontrôlée
des populations. Il devient donc très difficile dans ce cas d'introduire une
quelconque idée de gestion puisque I'espèce est déclarée indésirable. Harro sur
la bête noire! Le second motif de classement permet, en gardant le sanglier
nuisible, d'interdire les lâchers et donc d'engager un peu plus les chasseurs
dans la voie de la gestion.
La méthode utilisée pour indemniser les dégâts au niveau
départemental peut également impliquer ou non une certaine responsabilisation
des chasseurs Deux formules peuvent mises en oeuvre pour payer les dommages causés aux cultures.
Il y a tout d'abord le timbre grand gibier départemental. Celui-ci
a une valeur identique sur l'ensemble du département. La loi d'indemnisation ne
permet pas, en effet, d'avoir un timbre avec un montant différent d'une unité
de gestion à l'autre. Dans ce cas de figure les chasseurs ne sont absolument
pas responsabilisés face aux populations de sangliers présentes sur leurs
territoires. A quoi bon dans ce cas apporter une certaine vigilance à la
pyramide des âges puisque la sacro-sainte solidarité l'emporte sur la
particularité? La deuxième façon de régler la note consiste, dans le cadre de
la mise en oeuvre du plan de chasse, en l'adoption du dispositif de marquage.
Celui-ci présente un gros intérêt. Son prix peut varier d'un point à un autre
du département. Les chasseurs sont donc quasiment obligés de prêter attention à
la structure des populations s'ils ne veulent pas voir leur contribution
atteindre des sommets. Plus de vingt départements français ont opté pour le
plan de chasse. D'autres sont restés au timbre grand gibier. Et enfin, une
troisième proportion ménage le choux et la chèvre en prenant les deux
solutions. La solidarité grâce au timbre, la particularité et la responsabilité
grâce au bracelet.
La deuxième portée qui est
quelquefois constatée chez la laie est provoquée par la disparition de la
portée de printemps. Si la laie met bas en février, mars, des conditions
climatiques dures peuvent être fatales aux marcassins. Si un seul survit, la
laie l'élèvera. Si la portée est anéantie, elle aura une portée d'été avec des
marcassins qui à l'ouverture pèseront 10 à 15 kg.
Tirer le marcassin c’est avant tout prélever des animaux dont les rayures sont
devenues quasi invisibles.
«Il ne faut pas hésiter à tirer les bêtes rousses, même rayées. On
peut comprendre la réticence des chasseurs, sur une unité de gestion où les
bracelets sont payants, a placer ceux-ci sur un animal qui pèse 10 kg. Il faut
savoir que ces animaux, de toute façon, payeront un lourd tribu, soit ils
seront pris par des chiens, soit ils périront à cause des conditions
climatiques.»
Un nombre croissant d'arrêtés
préfectoraux autorisent le tir du marcassin. Ceci résulte t-il d'une volonté
des conseils départementaux de la chasse et de la faune sauvage, tentés par la
gestion du sanglier ou par le désir affiché de ces derniers de ramener les
populations au plus bas niveau possible? Dans la quasi-totalité des cas, c'est
la deuxième solution qui se situe à l'origine de cette mesure. Il faut
casser" du sanglier! Peu importe les moyens mais on ne veut plus entendre
les récriminations relatives aux dégâts, formulées par les agriculteurs.
Dommage encore une fois d'en arriver là parce que la gestion des
populations n'a pas été entreprise en amont. Néanmoins, si aucune autre mesure
n'est prises, le tir du marcassin peut préserver un certain nombre d'adultes.
Bien évidemment il ne s'agit pas de tirer des bébés de 700 à 800 g, mais de
prélever des animaux encore à peine rayés qui se situent à la limite de la bête
rousse. Ceci permet d'éviter des procès-verbaux (dans certains départements)
lorsque les jeunes animaux sont juste à la frontière de deux classes, le
marcassin et la bête rousse.
Après, il s'agit d'une question d'éthique.
Lorsqu’on
veut augmenter la population, il faut dans un premier temps, préserver les
laies à partir de 50 kg. Lorsque cela est acquis, il est impératif de protéger
en toutes circonstances les vielles laies au dessus de 70 kg
«Pour avoir du sanglier, on peut dans un premier temps préserver
les laies au-dessus de 50 kg, ce qui aura pour effet d'augmenter le cheptel.
Ensuite on peut monter la barre jusqu'à 70 kg, 75 kg. A ce niveau de poids, il
s'agit de vieilles laies. Ce sont elles qui auront les plus belles portées et
qui vont structurer la compagnie. De la même façon, il est souhaitable de
préserver des mâles. Malheureusement, peu d'entre eux atteignent le terme de
leur deuxième année».
Ce qui est vrai aujourd'hui ne le sera peut-être plus demain. Les
choses évoluent, les connaissances aussi.
Chasseur de sanglier, nous devons chasser dans l'éthique et le
respect de la bête noire ou devenir des chasseurs sans «h». Comprenez des
casseurs de sanglier»
Préserver les
grosses laies et les laisser vieillir pour améliorer la reproduction de
l’espèce et assurer une meilleure descendance, tout le monde en parle et
presque tout le monde est d’accord. Et pourtant c’est difficile à faire
respecter. Mais pour les mâles, rien n’est dit et rien ne se fait. La
reproduction n’est donc assurée que par des jeunes mâles, ce qui n’est pas très
rassurant pour l’avenir de l’espèce.
La Pyramide
des ages :
De la théorie
à la pratique
Le sanglier répond à une évolution des
populations à la fois très dynamique et très variable dans le temps.
La reproduction est conditionnée par deux
facteurs essentiels, l'alimentation et le potentiel reproducteur. Si le
chasseur ne peut décider du premier, tout du moins pour ce qui est des fruits
forestiers, il a une influence prépondérante sur le second. Avec un taux de
reproduction évoluant entre 100 et 200 %, le pourcentage de bêtes de l'année,
présentes au tableau de chasse, doit être de l'ordre de 60 %. La classe
sub-adulte des animaux de un à trois ans représentant quant à elle, une
proportion de l'ordre de 30 %. Les 10 % qui restent sont occupés par la classe
adulte, si elle existe. Or, nous sommes souvent en présence de pyramides inversées et aplaties.
En effet les vieux animaux n'existent quasiment
plus et les bêtes les plus âgées atteignent péniblement la troisième année. Il
suffit de lire les mâchoires pour s'apercevoir qu'un faible nombre de celles-ci
ont la troisième molaire complètement sortie. Cette situation, bien évidemment,
ne perdure pas. Le tableau diminue et les situations complètement artificielles
apparaissent, agrainage disproportionné et lâchers clandestins. Nous sommes
passés à l'élevage extensif alors qu'un effort qualitatif au niveau des
prélèvements suffit à assurer la pérennité de populations génétiquement saines
et vigoureuses. La qualité de la chasse du sanglier en dépend.
Prélèvement idéal en % par tranches d’ages
Les 10%
de plus de 3 ans sont un rêve.
La réalité est tout autre.
Les bêtes les plus âgées atteignent tout juste ce seuil.
Un parallèle
entre la chasse à courre et la chasse à tir
Michel Monnot chasse le sanglier à courre, avec une meute
d'anglo-français. Héritage du passé, ce mode de chasse a un bel avenir et le
vent en poupe. En vénerie, il n'y a pas d blessé, un animal est pris ou non. Le
facteur dérangement est moindre que celui occasionné par une battue, ce qui
nous vaut ce commentaire savoureux de Daniel Bertrand :
«A la chasse à courre, il suffit d'un seul sanglier au tableau
pour réjouir un équipage, les boutons, les suiveurs, du bonheur pour une
centaine de personnes. Parallèlement, dans des chasses à tir très réputées,
très chères, ont peut voir le soir, cinquante, soixante sangliers alignés et
des chasseurs «qui font la gueule» parce qu'ils n'auront pas eu l'occasion de
lâcher 3 ou 4 balles sur des animaux».