CHASSER SUR LES ZPS
I. La mise en place du réseau ZPS
I.1. 1979 - la
naissance des Zones de Protection Spéciale ou ZPS :
§ Ces zones sont instituées
par la D79/409 qui, dans son article 4-1, précise que :
- « Les espèces mentionnées à l’annexe I
font l’objet de mesures de conservation spéciale concernant leur habitat, afin
d’assurer leur survie et leur reproduction dans leur aire de
distribution. »
- « Les Etats membres classent notamment
en zones de protection spéciale les territoires les plus appropriés en nombre
et en superficie à la conservation de ces dernières dans la zone géographique
maritime et terrestre d’application de la présente directive. »
§ Une liste de 74 espèces est alors établie en annexe I au motif de
leur vulnérabilité ou de dépendance à certains types d’habitat, l’objectif de
conservation de ces oiseaux ne pouvant être atteint sans la préservation
prioritaire de ces habitats.
§ Les autres zones concernant d’autres espèces énumérées dans l’annexe II
(donc non soumises à l’obligation du
classement ZPS) ne sont pas exemptes de mesures de classement, loin s’en faut.
L’article 4-2 intime en effet, aux Etats membres de prendre « des
mesures similaires à l’égard des espèces migratrices non visées à l’annexe
I dont la venue est régulière, compte tenu des besoins de protection dans la zone géographique
maritime et terrestre d’application de la présente directive en ce qui concerne
leurs aires de reproduction, de mue et d’hivernage et les zones de relais dans
leur aire de migration. A cette fin, les Etats membres attachent une importance
particulière à la protection des zones humides et tout particulièrement celles
d’importance internationale. »
On le voit ici la ZPS n’est qu’un élément d’un
ensemble beaucoup plus vaste qui sera ou devra être l’objet de « mesures
similaires » visant, pour l’ensemble des espèces de l’avifaune
migratrice, les « aires de reproduction, de mue et
d’hivernage » ainsi que les sites d’escale migratoires, « les
zones relais », et intéressant, en vérité, chacun des endroits où les oiseaux se poseront !
Aucun espace
ne semble donc pouvoir échapper à ce type de classement, ce qui est d’autant
plus dangereux que les ZPS n’ont pas été soumises, à l’origine, à une procédure
de concertation préalable à leur transmission aux instances européennes ou à
leur classement, similaire à celle des ZSC de la D.92/43.
§ La Commission européenne se
voit confier, par l’article 4-3 de la dite directive, « la coordination nécessaire pour que les zones visées au paragraphe 1 d’une part, et au paragraphe 2,
d’autre part, constituent un réseau cohérent répondant aux besoins de
protection des espèces dans la zone géographique maritime et terrestre
d’application de la présente directive. »
Ce paragraphe confirme le précédent : tout
territoire est susceptible d’intégrer ce réseau qui se doit uniquement d’être
« cohérent ».
§ La notion de perturbation est introduite, à cette occasion, dans le
dispositif communautaire, par le paragraphe 4 de l’article 4 :
« Les
Etats membres prennent les mesures appropriées pour éviter dans les zones de protection visées aux paragraphes 1 et 2 la
pollution ou la détérioration des habitats ainsi que les perturbations touchant
les oiseaux, pour autant qu’elles aient un effet significatif eu égard aux
objectifs du présent article. »
On le voit nettement ici, le problème de la
perturbation concerne prioritairement les ZPS mais aussi toutes les autres
zones, celles qui peuvent faire l’objet de « mesures similaires », et tout
particulièrement « les zones humides », de façon
très générale.
Par ailleurs, la formule « pour autant qu’elles
aient un effet significatif » relative aux perturbations est, à ce stade, intéressante car elle
délimite fortement la notion de perturbation considérée. Dans ce contexte, celle-ci doit être effective et
significative ; le seul risque
de perturbation ne peut donc être pris en compte, de même qu’une perturbation
qui n’aurait pas d’effet significatif ne saurait être retenue.
Ce point est essentiel, ou plutôt, il l’était car,
depuis 79, les choses n’en sont pas restées là en matière de perturbation
; elles ont, au contraire, très vite évoluées et pas dans le sens que nous
aurions souhaité comme nous le verrons par la suite.
I.2.
Inventorier les ZPS :
§ Le texte était là, l’idée
était formalisée en droit, restait à passer à la mise en œuvre.
Relisons la consigne communautaire :
« Les Etats classent... les territoires les
plus appropriés... »
La formule est tout à fait remarquable, notamment
par son imprécision.
Quels seront donc les critères de cette meilleure
adaptation ?
Qui aura à déterminer ces critères ?
Qui aura compétence à les mettre en œuvre ?
Qui finalement, désignera les ZPS, les imposera aux
autres, les consacrera en droit en ce qu’elles sont, à ses yeux, « les
territoires les plus appropriés » ?
Les pistes fournies pour répondre à ces
interrogations sont les critères de détermination des espèces d’oiseaux de
l’annexe I de la directive 79/409 contenus dans son article 4-1 :
« a) des espèces menacées de disparition ;
b) des espèces vulnérables à certaines modifications
de leurs habitats ;
c) des espèces considérées comme rares parce que
leurs populations sont faibles ou que leur répartition locale est
restreinte ;
d) d’autres espèces nécessitant une attention
particulière en raison de la spécificité de leur habitat. »
Ici encore, on peut s’interroger sur la compétence,
la qualité et le choix de celui qui aura à établir le contenu de chacune des 4
catégories désignées :
Quand une espèce est-elle « menacée de disparition » ?
Quand une espèce est-elle « vulnérable à certaines modifications de son habitat » ?
Quand une espèce a-t-elle une population « faible » ?
Quand une espèce a-t-elle une distribution locale
restreinte ?
On le voit bien les pseudo-critères introduits par
l’article 4-1 de la D79/409 renvoient à des notions qui ne sont ni établies, ni
arrêtées ; à des notions pour la définition desquelles aucune consultation
n’a jamais été menée jusqu’alors.
On baigne
depuis en plein arbitraire au motif que : il fallait bien établir les règles de base sur lesquelles bâtir ce
régime de protection.
Des structures
le plus souvent spécifiquement créées pour répondre à cette question précise,
vont ainsi être sollicitées afin d’y répondre ou vont faire offre de service
pour cela !
Les grands principes protectionnistes qui découlent,
par la suite, de tout l’édifice juridique communautaire, sont fondés sur de
tels postulats arrêtés en dehors de toute consultation, de toute concertation,
de tout schéma démocratique, de toute transparence.
Une génération spontanée de spécialistes
auto-proclamés trace, au gré de son inspiration, de ses compétences, de son
idéologie, de sa philosophie, de sa subjectivité aussi, les lignes de ce qui
s’imposera bientôt aux autres comme l’évidence, le fondement et le bon sens communautaires :
la vérité vraie d’une Europe naissante.
Ces bases et ces principes fondamentaux seront considérés incontournables sans
même avoir été discutés, comme s’ils avaient toujours existé alors que tel
n’est pas le cas.
Dans cet esprit, il s’avérait aussi nécessaire
d’établir une base de référence indicative pour les ZPS, ce que les services de
la CEE ont effectué, dès 1979, au travers de divers rapports reprenant les
publications existantes. 400 sites ont
ainsi été proposés à l’échelon communautaire dont une fourchette de 70 à 100
pour la France.
Divers organismes ont ensuite été sollicités afin de
« réaliser une première mise au point sur les zones susceptibles d’être
retenues dans chaque pays de la Communauté. »
En ce qui concerne la France, le Museum National
d’Histoire Naturelle s’est vu confier la mission de contribuer à « un
inventaire préliminaire des zones de protection spéciale pour la conservation
des oiseaux et des zones humides d’importance nationale », l’objet étant de « rassembler,
en première approche, des données déjà existantes dans la littérature. »
La réalisation de cette étude a été confiée à M.
Loïc MARION, de l’Université de Rennes, maître de recherche au CNRS.
L’histoire de ce rapport français illustre au mieux
celle des ZPS et tout le processus qui s’est ainsi mis en branle à partir de
cet instant dans toute la Communauté.
§ 1980 - « La liste des milieux à protéger en France dans le cadre
de la directive du Conseil de la CEE sur la conservation des oiseaux
sauvages. »
Ce rapport de 24 pages est publié dans la revue « Penn ar Bed » (n° 13, de
1982, p. 97 à 121). Il a été transmis à Bruxelles le 30 avril 1980 après avoir
été validé par la DNP d’alors et a été avalisé par les services de la
Communauté. Il propose 123 sites et comme l’auteur le signale lui-même : « Il convient de faire remarquer que le
quota des zones attribuées à la France ... (est) sensiblement dépassé, 123
sites contre 70 à 100 prévus. »
Ceci est d’autant plus important que, par ailleurs,
ce rapport stipule que : « sur les 123 sites du réseau, 25 ont
des recensements partiels et 26 aucun renseignement. »
Cela paraît incroyable mais c’est effectivement sur
de telles bases et de tels procédés que sont nées les ZPS et, au delà, le
réseau Natura 2000.
Il convient encore de relever que cette étude ne se
limite pas à l’inventaire bibliographique demandé : « ... il est apparu
nécessaire de recourir à une consultation directe des grandes associations
compétentes à la fois en ornithologie et en protection des milieux, la plupart
réunies au sein de la F.F.S.P.N., tant les impératifs locaux de protection,
connus des seuls militants de terrain, ont dans ce genre d’inventaire une
particulière importance, et ce malgré les indications des circulaires émanant
de la CEE, limitant cette enquête à de simples recherches bibliographiques. En
raison des délais impartis, cette consultation s’est volontairement limitée aux
associations permettant, de par l’étendue territoriale de leurs activités,
d’assurer à peu près complètement la couverture du territoire
métropolitain. »
On le voit de façon incontestable à l’arbitraire des
critères initiaux déjà relevé, s’ajoute l’arbitraire méthodologique qui
consiste à privilégier d’autres sources d’informations et prioritairement le
militantisme de terrain en dépit des recommandations faites par la Communauté
européenne elle-même.
Et ce n’est pas tout, l’auteur persiste et signe en
fournissant la longue liste de ces informateurs et en confirmant sa démarche
d’utiliser leurs propositions plutôt que de se limiter aux sources
bibliographiques existantes.
Le mystère des ZPS et bon nombre des raisons de nos
inquiétudes se retrouvent ici.
« Le
réseau actuel de Zones de Protection Spéciale établi pour la France, arrêté au
30 avril 1980 puis complété le 30 juin 1980, est en partie le fruit des
propositions des associations suivantes, pour leur région d’élection
respective : Groupe Ornithologique du Nord (G.O.N.), Groupe d’Etude et de
Protection des Oiseaux de Picardie (G.E.P.O.P.), Groupe Ornithologique Normand
(G.O.N.), Société d’Etudes et de Protection de la Nature en Bretagne
(S.E.P.N.B.), Centrale Ornithologique Bretonne (AR VRAN), Groupe d’Etude pour
la Protection de la Nature en baie de Saint-Brieuc (G.E.P.N), Société des
Sciences Naturelles de l’Ouest de la France (S.S.N.O.P.), Section Gibier d’eau
de l’Office National de la Chasse (O.N.C), Association de Défense de
l’Environnement en Vendée (A.D.E.V.), Société pour l’Etude, la Protection et
l’aménagement de la Nature dans le Sud-Ouest (S.E.P.A.N.S.O.), Centre Ornithologique
d’Auvergne (C.O.A.), Espaces et Recherches pour l’Etude et la Protection des
Oiseaux du Limousin (S.E.P.OL.), Groupe Ornithologique de Touraine (G.O.T.),
Association pour l’Etude des Sciences Naturelles et la Protection de la Nature
dans la Région Centre (Naturalistes Orléanais et de la Loire Mayenne), Groupe
Ornithologique Champagne-Ardennes, Groupe Ornithologique Parisien (G.O.P.),
Fédération Rhône-Alpes de Protection de la Nature (F.R.A.P.N.A.), Centre
Ornithologique Rhône-Alpes (C.O.R.A.), Centre de Recherches Ornithologiques de
Provence (C.R.O.P.), Association Régionale Provence-Alpes-Côte d’Azur et Corse
pour la Protection des Oiseaux et de la Nature (A.R.P.O.N.) ( 1). Les
indications de ces associations régionales ont été complétées par les
associations nationales suivantes : Ligue pour la Protection des Oiseaux
(L.P.O.), Société Nationale de Protection de la Nature (S.N.P.N.), Fédération
Française des Sociétés de Protection de la Nature (F.F.S.P.N.), Fond
d’Intervention pour les Rapaces (F.I.R.), Bureau International de Recherches
sur la Sauvagine (B.I.R.S.) et Société d’Etudes Ornithologiques
(S.E.O-...) »
Si l’on exclut la présence de l’ONC (de l’époque)
ainsi que celle du BIRS, cette liste reprend pour l’essentiel des associations
dont les noms nous sont connus pour leurs actions contentieuses nombreuses
dirigées contre la chasse, soit directement soit sous le couvert de
regroupement durant les 20 dernières années.
La conclusion de ce rapport qui tient en quelques
mots se doit aussi de vous être fournie afin de bien réaliser l’état d’esprit
dans lequel toute cette démarche a été menée et continue assurément à
l’être :
« Il est évident que des zones ne faisant pas
partie de la liste actuelle puissent apparaître à la lumière des travaux futurs
comme des sites à protéger en toute priorité. C’est pourquoi cette liste doit
être maintenue ouverte. »
Cette formule justifie encore nos craintes légitimes
à l’égard de tous ces classements qui ne semblent jamais vouloir ou pouvoir
s’arrêter une fois la pompe amorcée, sans que, pour l’instant, la moindre
précision quant aux éventuelles contraintes ne nous ait été fournie.
§ 1989 - La naissance des IBA
L’histoire ne s’arrête pas là, tout au contraire,
elle ne fait que commencer.
La quête d’un inventaire de plus en plus précis de
ces zones à préserver, de plus en plus fiable mais aussi de plus en plus vaste,
se poursuit.
L’année 1989 est, en la matière, une année de
référence avec la publication de l’ouvrage « Important Bird Areas in Europe » par GRIMMET et JONES, le
premier du genre, 900 pages, réalisé à la demande et avec la contribution de la
DGXI, direction générale en charge de l’environnement auprès de la Commission
européenne, publication sponsorisée par la Société Royale de Protection des
Oiseaux de Belgique (que nous connaissons bien aussi).
En France, le ministère de l’Environnement a confié
cette nouvelle étude à la LPO qui identifiera 153 sites susceptibles d’être
classés ZPS.
Le nombre continue ainsi à croître régulièrement.
Cet ouvrage fournit ensuite 3 définitions pour les
sites à retenir ainsi qu’une série de critères classés en 4 catégories de
priorité :
1 - les sites
sur lesquels les espèces migratrices se concentrent en nombre important ;
2 - les sites
qui concernent des espèces globalement menacées ;
3 - les sites
qui concernent des espèces ou sous-espèces menacées en Europe mais pas
globalement sur l’ensemble de leur aire de répartition ;
4 - les sites
qui concernent des espèces dont l’aire de répartition mondiale est relativement
restreinte et dont les populations sont importantes en Europe.
Comme vous pouvez le constater et comme le signalent
les auteurs eux-mêmes : « les lecteurs familiarisés... (avec
les ouvrages précédents en la matière) remarqueront
qu’une légère modification des critères a été opérée pour sélectionner les
sites retenus dans ces rapports. »
On croit rêver et pourtant tout ceci n’est que la
consternante réalité.
Non seulement les critères initiaux avaient été
établis arbitrairement mais, en plus, tout aussi arbitrairement et toujours
sans concertation, il est possible de les changer, tant à l’échelon national
que communautaire, au fur et à mesure de l’augmentation du nombre de ces zones.
L’évolution des prétentions communautaires en la
matière illustre tout à fait ce propos.
L’ouvrage « Important Birds Areas in
Europe » nous transporte, en effet, vers des sommets sans commune
mesure avec l’estimation initiale de 400 sites faite en 1979 ; c’est, en
1989, de 2.700 zones recensées en Europe que l’on parle et de près de 1.700
dans la Communauté européenne dont 700 d’entre elles ont déjà été classées ZPS.
L’objectif communautaire a déjà en 10 années !
§ 1992 - La Directive HFF
Le 21 mai 1992, cette directive est publiée au
Journal Officiel des Communautés européennes.
Elle va fortement influencer la mise en place des
ZPS, d’une part en les englobant dans le réseau Natura 2000, d’autre part en
les soumettant au régime de l’article 6 paragraphes 2,3 et 4 de la D.92/43 et
non plus à celui de l’article 4 de la D.79/409.
- Art 3-1-2ème alinéa - D.92/43 :
« Le réseau Natura 2000 comprend également les
ZPS classées par les Etats membres en vertu des dispositions de la directive
79/409/CEE. »
- Art 6 :
« 2. Les Etats membres prennent les mesures
appropriées pour éviter, dans les zones spéciales de conservation, la
détérioration des habitats naturels et des habitats d’espèces ainsi que les
perturbations touchant les espèces pour lesquelles les zones ont été désignées,
pour autant que ces perturbations soient susceptibles d’avoir un effet
significatif eu égard aux objectifs de la présente directive.
3. Tout plan ou projet non
directement lié ou nécessaire à la gestion du site mais susceptible d’affecter
ce site de manière significative, individuellement ou en conjugaison avec
d’autres plans et projets, fait l’objet d’une évaluation appropriée de ses
incidences sur le site eu égard aux objectifs de conservation de ce site.
Compte tenu des conclusions de
l’évaluation des incidences et sous réserve des dispositions du paragraphes 4,
les autorités nationales compétentes ne marquent leur accord sur ce plan ou
projet qu’après s’être assurées qu’il ne portera pas atteinte à l’intégrité du
site concerné et après avoir pris, le cas échéant, l’avis du public.
4. Si, en dépit de conclusions
négatives de l’évaluation des incidences sur le site et en l’absence de
solutions alternatives, un plan ou projet doit néanmoins être réalisé pour des
raisons impératives d’intérêt public majeur, y compris de nature sociale ou
économique, l’Etat membre prend toute mesure compensatoire nécessaire pour
assurer que la cohérence globale de Nature 2000 est protégée. L’Etat membre
informe la Commission des mesures compensatoires adoptées.
5. Lorsque le site concerné est
un site abritant un type d’habitat naturel et/ou une espèce prioritaire, seules
peuvent être évoquées des considérations liées à la santé de l’homme et à la
sécurité publique ou à des conséquences bénéfiques primordiales pour
l’environnement ou, après avis de la Commission, à d’autres raisons impératives
d’intérêt public majeur. »
L’une des modifications essentielles apportées par
ce glissement concerne la perturbation.
On est passé de la formule « pour
autant qu’elles aient » de
la D.79/409 à la formule « soient susceptibles d’avoir »
dans le D.92/43.
On est donc
passé de la perturbation qui devait être effective et dont l’effet significatif
devait être prouvé au simple risque de perturbation, par précaution
certainement.
Cette modification est fondamentale.
Elle est la source des plus grandes inquiétudes en
ce qui concerne les ZPS.
Autre apport déterminant de cette directive de 1992,
un article 1er consacré aux définitions des termes et critères
fondamentaux pour lesquels les associations protectionnistes semblaient
jusqu’alors seules compétentes.
Bien évident, ces définitions reposent sur celles
précédemment introduites.
De plus, elles sont souvent suffisamment floues pour
continuer à offrir une grande marge de manoeuvre et une grande liberté d’action
ou d’appréciation, tout en bénéficiant, dorénavant, du label communautaire.
§ 1993 - Les ZICO, Zones Importantes pour la Conservation des Oiseaux ou
Zones d’Intérêt Communautaire pour les Oiseaux.
L’objet de ce nouvel inventaire est d’amener chaque
Etat membre à se préparer à répondre aux obligations de cette toute nouvelle
directive 92/43, habitats naturels, flore
et faune sauvages, qui doit entrer en vigueur en 1994 et viendra compléter
le dispositif de l’article 4 de la directive oiseaux.
L’inventaire ZICO consiste à recenser les « sites d’intérêt majeur qui hébergent
des effectifs d’oiseaux sauvages jugés d’importance communautaire ou
européenne. »
Il est mené en parallèle avec l’inventaire ZNIEFF
des Zones Naturelles à l’Intérêt Ecologique Faunistique et Floristique.
En France, cette étude est confiée par le ministère
de l’Environnement à la LPO et sa coordination à M. Gérard ROCAMORA qui
considère cet inventaire comme le « fruit d’une enquête faisant
intervenir un large réseau d’informateurs », « un travail à caractère
scientifique, indépendant du statut juridique des zones concernées (comme
par exemple, la propriété privée !) au
même titre que l’inventaire des ZNIEFF avec lesquelles les ZICO sont amenées à
fusionner. »
Selon cette
méthode, 285 sites sont ainsi référencés, délimités, classifiés,
répertoriés : 132 de plus que dans le précédent inventaire !
A la date de cette étude, la répartition entre ZICO
et ZPS classées est celle du tableau suivant de juin 1992.
|
Pourcentage de la
superficie des ZICO déclarée en ZPS dans les pays de la Communauté Européenne |
||||||
|
(au 15 / 06 / 92) |
||||||
|
Pays |
Nombre de Zico |
Superficie totale |
Nombre de ZPS |
Superficie totale |
% de la superficie |
|
|
|
|
ZICO
(ha) |
|
ZPS
(ha) |
ZPS / ZICO |
|
|
Allemagne |
164 |
2 110 527 |
119 |
278 894 |
13,2 |
|
|
Belgique |
41 |
544 830 |
36 |
431 306 |
79,2 |
|
|
Danemark |
118 |
989 841 |
111 |
960 092 |
97,0 |
|
|
Espagne |
352 |
9 518 336 |
135 |
2 295 319 |
24,1 |
|
|
France |
285 |
4 421 500 |
91 |
660 940 |
14,9 |
|
|
Grèce |
113 |
1 456 920 |
26 |
188 755 |
13,0 |
|
|
Irlande |
110 |
269 848 |
20 |
5 496 |
2,0 |
|
|
Italie |
140 |
3 497 875 |
74 |
298 988 |
8,5 |
|
|
Luxembourg |
3 |
95 815 |
4 |
335 |
0,3 |
|
|
Pays-Bas |
70 |
799 909 |
9 |
52
865 |
6,6 |
|
|
Portugal |
59 |
547 023 |
36 |
307 193 |
56,2 |
|
|
Royaume-Uni |
240 |
902 183 |
40 |
127 688 |
14,2 |
|
|
CEE |
1695 |
25 154 607 |
701 |
5 607 871 |
22,3 |
|
22,3 % des ZICO sont donc classées en ZPS à
l’échelon communautaire et 14,9 % à l’échelon français, mais l’intention de
l’auteur de voir les choses évoluer d’un côté comme de l’autre transparaît dans
sa conclusion : « Dans le cas
des ZICO qui n’ont fait l’objet pour l’instant d’aucune désignation en ZPS,
nous formulerons simplement quelques propositions de mesures qu’il serait
possible d’adopter dans le cadre de leur éventuel désignation en ZPS », ou
encore : « Cet inventaire...
reste perfectible et susceptible d’évoluer... Des réactualisations
périodiques... devraient permettre dès lors une révision des effectifs, un
affinage des limites ainsi que la description éventuelle de nouveaux sites
répondant aux critères de sélection (eux-mêmes
susceptibles d’évoluer). »
Ici encore, on le constate, la possibilité de
changer, si besoin, les critères de sélection des sites est envisagée sans
vergogne et annoncée sans gêne ni pudeur.
Comment rester insensible à cela quand jamais nous
n’avons été associés à la définition ou à la redéfinition de ces critères dans
un domaine où le contenu des contraintes reste toujours la grande inconnue.
§ 1998 - L’arrêt de la C.J.C.E du 19 mai - Affaire C3/96 - contre le
Royaume des Pays-Bas.
Dans cette affaire, la Commission introduit un
recours contre les Pays-Bas pour manquement à la D.92/43 au motif de
l’insuffisance de désignation de ZPS en superficie et en qualité.
Cet arrêt est fondamental à plusieurs titres.
Tout d’abord, il stipule que : « ...
l’article 4-1 de la directive impose aux Etats membres une obligation de
classer en ZPS les territoires les plus appropriés en nombre et en
superficie... à laquelle il n’est pas possible de se soustraire. »
Il rappelle encore (position déjà prise en 1996) que
« les exigences économiques énoncées à l’article 2 de la directive ne
sauraient être prises en compte lors du choix et de la délimitation d’une ZPS. »
Il considère l’IBA de 1989 comme « le
seul document contenant des éléments de preuve scientifiques permettant
d’apprécier le respect par l’Etat membre défendeur de son obligation de classer
en ZPS les territoires les plus appropriés ... »
Et surtout il attribue à ce document le statut de
référence scientifique au respect duquel tous les Etats membres sont
astreints : « cet inventaire, bien que n’étant pas
juridiquement contraignant pour les Etats membres concernés, peut en
l’occurrence, en raison de sa valeur scientifique reconnue en l’espèce, être
utilisé par la Cour comme base de référence pour apprécier dans quelle mesure
le royaume des Pays-Bas a respecté son obligation de classer des ZPS.»
La boucle est bouclée. La méthodologie arbitraire et
variable avec laquelle ces études ont été menées, reçoit ici sa consécration
communautaire. Le travail des bénévoles des sociétés protectionnistes
départementales ou même locales, compétentes ou non, acquiert à cet instant la
validation suprême et s’imposera désormais à tout Etat membre.
Il importe ici d’apporter une précision utile quant
au seuil minimum de 50% de classement de ces IBA en ZPS.
Dans cette affaire (point 44), la Commission indique
qu’il y aurait, selon elle : « violation de l’obligation de classement
lorsqu’un Etat membre méconnaît manifestement le nombre et la superficie des
territoires de l’IBA 89 (et que)
... tel serait le cas lorsqu’un Etat
membre ne désigne comme ZPS, tant en ce qui concerne le nombre de zones que
leur superficie totale, que moins de la moitié des zones répertoriées par l’IBA
89. »
Cette exigence ou cet assouplissement (selon les
points de vue) n’est pas repris par la Cour qui considère tout classement qui serait «manifestement
au dessous du nombre et de la superficie totale des territoires ayant vocation
à être classés en ZPS ... » constitue un manquement aux obligations
imposées par la directive.
Ce n’est donc bien que la Commission et pas la Cour
qui propose et retient ce seuil de 50%. Ceci met les Etats membres à l’abri
d’éventuels recours émanant de la Commission elle-même sur cette base mais pas
d’autres voies de recours comme la question préjudicielle posée par une
juridiction nationale sur requête d’un mouvement protectionniste.
Cet arrêt est essentiel en ce qu’il valide toute la
démarche amateuriste menée pendant 20 années en matière de recensement et
d’inventaire et ne peut qu’inciter à sa continuation, notamment par des
réactualisations au rythme de 5 à 6 ans comme préconisé en 1980.
§ 2000 - Publication du dernier IBA (à ce jour)
De l’IBA 89 de 900 pages pour l’Europe, on passe en
2000 à un recueil en deux volumes de 1667 pages et de plus de 3 kg.
Des 2700 zones recensées en 1989, on passe à 3619
sites pour une superficie de 931.700 km2 soit 7% du territoire européen.
En France, on est passé de 153 sites à 277, et à une
superficie de 47.248 km2 qui représente 8,6% du territoire pour les seules
zones relatives aux oiseaux.
Ceci s’explique simplement par les recommandations
de la D.79/409 qui visent toutes les zones humides comme étant des territoires
prioritairement appropriés à ce type de classement, sans qu’on sache toujours
clairement le contenu d’un tel classement.
I.3. La
situation des ZPS, aujourd’hui :
Le dernier baromètre Natura 2000 produit par la
Commission européenne fait état de 2.920
sites classés pour l’Union européenne, soit 1.200 de plus que ceux recensés en
1989 (Rappel : 1.700 sites).
Pour la France, les violations répétées par le
Gouvernement de la procédure de classement ont conduit à ralentir l’évolution
du nombre des ZPS qui a atteint 117 sites en 2001 pour une superficie de 8.193
hectares (91 sites en 1993).
Il est évident que deux textes français
récents : l’ordonnance du 14 avril 2001 visant à supprimer l’étape de la
concertation locale et l’arrêté du 16 novembre 2001 qui introduit bizarrement,
en droit interne, une liste de 117 espèces d’oiseaux nécessitant un classement
prioritaire en ZPS (alors qu’entre 1979 et aujourd’hui l’annexe I de la
D.79/409 est passée de 74 à 181 espèces !), devraient, d’une part,
relancer voire accélérer les procédures de classement, d’autre part, susciter
de nouveaux IBA et l’apparition de nouveaux sites pour des classements futurs.
Le régime de protection de ces territoires s’étend
donc et continue à s’étendre inexorablement quelquefois à l’insu même des
propriétaires et usagers et surtout, sans qu’une réponse communautaire sur le
devenir des activités humaines pré-existantes n’ait été fournie.
II La chasse
sur ces territoires
L’histoire vraie des ZPS que je viens de retracer
fonde son succès sur un élément majeur : les utilisateurs de ces
territoires en sont les plus grands protecteurs. Mieux encore, sans ces
utilisateurs, ces territoires auraient, pour beaucoup, depuis bien longtemps
disparus.
Nul ici ne saurait donc ou ne pourrait penser
s’opposer à la protection des habitats.
Cette protection nous la mettons en pratique au
quotidien depuis que le monde est monde sans avoir eu, pour cela, besoin de
directives, de réglementations ou de consignes contraignantes.
Nul ici ne veut donc freiner ce grand engouement
institutionnel pour la conservation.
Nul ne le voudrait à condition de ne pas se
retrouver exclus, banni de ces espaces qu’il a, par son action, contribuer à
sauvegarder.
Pour la chasse et pour le chasseur, protéger les
habitats est plus qu’un plaisir ; c’est une évidente nécessité ;
c’est une condition absolue au succès de son activité.
Pas d’habitat,
pas de gibier.
Pas de gibier,
pas de chasse.
La règle est simple, logique et guide tout
naturellement l’action de l’utilisateur-chasseur en fonction de son pôle d’intérêt.
Mais il semblerait qu’aujourd’hui de nombreux
nouveaux amis de la nature veulent nous aider à faire encore mieux et nous
redoutons qu’à notre schéma précédent, qui a déjà fait ses preuves, ils
substituent le leur, celui du contemplateur-non chasseur :
Pas d’habitat,
pas de gibier.
Pas de chasse,
plus (+) de gibier.
Et chacun sait ici l’hérésie d’un tel raisonnement
qui se conclut généralement de la façon suivante :
Pas de chasse,
pas de gestion.
Pas de
gestion, perte d’habitat.
Pas d’habitat,
pas de gibier.
II.1. La
perturbation comme grande inconnue :
Ce qui motive les craintes des chasseurs à l’égard
de ces classements mais aussi celles des autres utilisateurs de la nature, est
la notion de perturbation, grande inconnue introduite en 1979 puis reprise et
renforcée en 1992 pour s’appliquer à l’ensemble du réseau Natura 2000.
§ 1994 - L’arrêt de la Cour de Justice des Communautés européennes (19
janvier)
Cet arrêt concerne la pratique de la chasse pendant
les périodes de trajet de retour des oiseaux migrateurs mais il présente aussi,
dans son point 16, l’appréciation de la Cour sur la chasse en matière de
perturbation :
« il convient d’observer que toute activité de
chasse est susceptible de perturber la faune sauvage et qu’elle peut même, dans
de nombreux cas, conditionner l’état de conservation des espèces concernées,
indépendamment de l’ampleur des prélèvements auxquels elle donne lieu. »
Ce point est fondamental d’autant que la Cour n’est
jamais revenue dessus depuis cette date.
En premier, la Cour nous dit que la pratique de la
chasse risque de perturber.
Elle ne pointe donc pas l’effectivité d’une
perturbation mais sa seule éventualité, ce qui est extrêmement dangereux pour
l’activité concernée et dont on peut difficilement s’exempter.
Comment voulez-vous, en effet, fournir la preuve
qu’une activité, quelle qu’elle soit, ne peut pas, éventuellement, entraîner un
risque de perturbation ?
Nul, hormis la Cour, ne semble aujourd’hui pouvoir
répondre à cette question.
En second, la Cour affirme que, « dans de nombreux cas », l’activité cynégétique peut « conditionner l’état de
conservation des espèces.»
Or c’est l’objet même de la D.79/409 que de
conserver les espèces (et non de les conditionner !) notamment par la
préservation des habitats et par l’obligation d’éviter, sur les ZPS, toute
perturbation qui risquerait d’avoir un effet significatif sur cet objectif.
Dès lors, ne peut-on pas craindre que risquer de
« conditionner l’état de
conservation d’une espèce » soit aussi risquer d’avoir un effet significatif
sur celui-ci ?
Ici encore cette question n’a pas, à ce jour, trouvé
réponse.
En troisième, la Cour considère que le risque de
conditionnement de l’état de conservation d’une espèce doit être appréhendé
« indépendamment de l’ampleur des prélèvements. »
Une telle affirmation ne peut qu’ajouter aux
craintes précédentes.
Pour la Cour, le fait qu’une espèce soit chassable
ou non, qu’un ou plusieurs individus d’une espèce chassable aient été prélevés
ou non, semble ne pas importer : le risque de perturbation et de
conditionnement de l’état de conservation existe dès que l’activité de chasse
se produit.
Ne faut-il pas voir là une immense menace pour le
maintien de l’activité cynégétique sur les ZPS ?
On nous affirme parfois que non à l’échelon national
mais la seule autorité effectivement compétente pour répondre à cette question,
ne s’est toujours pas prononcée ... d’où les craintes très légitimes et les
inquiétudes nombreuses qui naissent autour de cette grande inconnue tant sur
les ZPS que sur le réseau Natura 2000, en général.
§ 1994
- L’avis motivé de la Commission européenne (13 septembre)
La Commission européenne a d’ailleurs largement
contribué par certains de ces avis à alimenter cette suspicion et à susciter
des réticences quant à ces procédures de classement.
Dans un avis motivé adressé à la France le 13
septembre 1994, la Commission s’exprimait ainsi : « Les
activités de chasse affectent nécessairement les conditions des oiseaux, même
s’il est garanti que ces oiseaux ne sont pas tués. Le rabattage, les tirs ainsi
que la présence des chasseurs et de leurs chiens sont incompatibles avec les
objectifs de reproduction et de survie formulés à l’article 4 ... »
Cet avis a le mérite d’être extrêmement clair et
certains Etats de la communauté ne s’y sont pas trompés comme les Pays-Bas qui
viennent d’interdire toute forme de chasse sur les ZPS.
Mais, s’il apparaît parfois fort bien mal engagé, on
peut considérer et espérer que le débat n’est pas encore clos sur ce sujet.
C’est d’ailleurs la raison de notre présence ici.
§ 2000 - La contribution de la Commission en matière de perturbation
Les positions prises par la Cour et la Commission en
1994 ayant fait couler beaucoup d’encre et obscurci encore le projet Natura
2000, la Commission s’est trouvée dans l’obligation de rédiger et publier un
guide interprétatif des dispositions de l’article 6 de la D.92/43 relatives à
la perturbation.
Ce rapport de 60 pages pour un article de quelques
lignes démontre la volonté communautaire de calmer le jeu en la matière mais ne
parvient pas à convaincre, notamment en ce que la Cour est exclusivement
compétente pour fournir de telles interprétations.
Le document est d’ailleurs sans équivoque à ce sujet
en ce qu’il affirme refléter « l’avis
des services de la Commission » et que « c’est à la CJCE qu’il appartient
d’interpréter une directive en dernier ressort. »
De surcroît, le contenu même du rapport n’est pas
aussi rassurant qu’il a la prétention de l’être ; il y est ainsi indiqué
que :
- « La perturbation n’a besoin n’y d’être
effective, n’y d’être prouvée pour entraîner des mesures restrictives. Tout au
contraire, celles-ci doivent être anticipatives » ;
- « L’article 6 repose sur le principe de
prévention » ;
- « Les termes éviter et soient susceptibles
d’avoir un effet significatif soulignent la nature anticipative des mesures à
prendre » ;
- « il est inacceptable d’attendre que des
détériorations ou des perturbations se soient produites ... ».
La lecture de ces quelques passages ne fait, en
réalité, que conforter nos inquiétudes.
§ 1999-2000 - Quelques manifestations d’assouplissement de la Commission
sur le dossier perturbation
C’est au travers de quelques réponses à des
questions écrites des parlementaires européens que l’évolution de la Commission
en matière de perturbation et de chasse sur les ZPS et autres sites Natura
2000, se manifeste le plus clairement.
- 07/12/99,
réponse au député HAGER :
L’intégration
des sites dans Natura 2000 n’a pas pour but d’entraver l’activité humaine mais
d’assurer qu’elle soit durable et ne porte pas atteinte aux richesses
concernées par l’action de conservation.
- 17/01/00,
réponse au député KARAS :
La question de
la chasse sur un site du réseau Natura 2000 doit être examinée au cas par cas.
C’est donc aux
autorités (nationales - en l’occurrence autrichiennes) de décider s’il faut
prendre des mesures restrictives en la matière.
- 04/02/00,
réponse au député DECOURRIERE :
La gestion des
sites relève, en vertu de l’article 6-1, de la responsabilité des Etats
membres. La Commission intervient lors de la sélection des sites mais pas dans
leur modalité de gestion.
La position de la Commission européenne en matière
de chasse sur les ZPS ou d’autres activités humaines sur les sites Natura 2000
est donc bien arrêtée : c’est aux Etats membres à en assumer la
responsabilité, au cas par cas, ... mais tout cela ne se fera, bien évidemment
que sous contrôle de la Cour de Justice des Communautés européennes.
§ 2001 - L’ordonnance française du 11 avril
Cette ordonnance stipule dans son article L.414-V-2ème
alinéa que : « Les mesures (de conservation ou de
rétablissement d’un habitat) ne conduisent pas à interdire les activités
humaines dès lors qu’elles n’ont pas d’effets significatifs par rapport aux
objectifs mentionnés à l’alinéa ci-dessus. Les activités piscicoles, la chasse
et les autres activités cynégétiques pratiquées dans les conditions et sur les
territoires autorisés par les lois et règlements en vigueur, ne constituent pas
des activités perturbantes ou ayant de tels effets. »
C’est miraculeux.
C’est le contre-pied absolu de la position prise par
la Cour et par la Commission en 1994.
Mais il ne faut pas se leurrer, cet alinéa n’est
qu’un voeu pieu qui ne saurait faire obstacle à la jurisprudence de la Cour,
seule compétente en dernier ressort.
II.2. Qu’en
est-il alors de la chasse sur les ZPS ?
§ La solution extrême retenue par les Pays-Bas
Il semble aujourd’hui que la position des Etats
membres sera déterminante, surtout si elle est restrictive. Ainsi les Pays-Bas
qui ont pris la décision, en 2001, d’interdire toute activité de chasse sur les
ZPS semblent à l’abri de tout recours et semblent avoir pris leur
responsabilité conformément aux dispositions de l’article 6-1 de la D.92/43, de
l’arrêt de 1994 et du guide interprétatif de la Commission de 2000.
Toutefois, le « cas par cas » préconisé par la Commission est ici
manifestement bafoué et les chasseurs néerlandais réunis au sein de la
Fédération des propriétaires particuliers (FPG, Féderative Particulier
Grandbezit) ne s’y sont pas trompés. Ils viennent d’assigner leur Gouvernement
en justice au motif de la non conformité de cette loi avec l’article 7 de la
D.79/409 qui consacre le droit de chasser les oiseaux.
Ils redoutent que « derrière le rideau de fumée Natura 2000, ce soit le bannissement pur et
simple de la chasse qui soit à l’ordre du jour. »
Si, à l’occasion de ce contentieux, la Cour de
Justice des Communautés européennes était amenée à se prononcer, l’affaire
pourrait soit faire grand bruit par confirmation de nos pires craintes soit
assainir immédiatement le climat délétère qui règne autour de Natura 2000.
§ La voie contentieuse
En France, il est plus que probable que l’avenir des
activités humaines sur les ZPS et sur l’ensemble du réseau Natura 2000 ne soit
aussi, à l’instar de ce qu’ont connu et connaissent encore les périodes de
chasse, l’objet d’une grande et longue campagne contentieuse.
Les contrats d’objectifs validés par les préfets
sont des actes administratifs susceptibles d’être attaqués devant les tribunaux
administratifs de même que tout arrêté de classement qui ne prendrait pas de
mesures d’interdiction suffisantes aux yeux de certains contemplateurs-non
chasseurs.
Mme Margot WALLSTROM a eu, au sujet de l’article 6
de la D.92/43, un jugement tout à fait remarquable :
« Il s’agit d’un texte juridique concis, un
bon nombre des notions clés qu’il contient ne sont pas faciles à comprendre.
J’estime qu’il est important que nous puissions comprendre d’une manière claire
et accessible les dispositions principales de la directive car cette
compréhension constitue la base de son application dans toute la communauté sur
un pied d’égalité. »
Nous ne pouvons que souscrire à un tel avis et le
partager.
C’est en effet une autre façon de dire : Nous voulons la vérité sur Natura 2000 ;
nous voulons savoir si les activités humaines y seront maintenues ou
interdites ; nous voulons savoir si, oui ou non, la chasse peut ou pourra
se pratiquer sur les ZPS.
Nous l’avons déjà dit, la seule réponse à ces
interrogations, sera contentieuse.
Les juges européens nous diront, un jour ou l’autre,
ce qu’il est possible de faire ou pas sur ces milliers de sites protégés.
Mais, il faut bien comprendre que cette situation
d’incertitude dans laquelle nous nous trouvons est inacceptable : il est
impossible de nous demander, aujourd’hui, de classer nos territoires, ces
territoires que nous avons préservés, sans savoir auparavant ce qu’il adviendra
des activités que nous y avons toujours pratiquées. Cette attitude est logique,
naturelle, pas du tout anti européenne.
La pratique du
CLASSEZ, CLASSEZ, ON VERRA BIEN APRES ne
peut plus continuer !
§ Des réponses existent déjà
Le premier inventaire français des « milieux
à protéger en France » de
1980 traite, sans équivoque et de façon très précise, de ce sujet :
« ... les Zones de Protection spéciale auront
un statut légal qui reste à définir. Il s’agit là du problème primordial de ce
document dont dépendra l’efficacité réelle du réseau proposé. Deux solutions
pourront se présenter : soit une reprise dans chaque pays des législations
nationales existantes, soit une adaptation de celles-ci ou une superposition de
nouveaux textes spécifiques aux Zones de Protection spéciale de la C.E.E.
Il pourra s’agir pour la France, et selon les
sites :
- d’une simple protection du site contre toute
modification artificielle : c’est le cas des sites qui sont déjà en
Réserves de chasse maritimes ou fluviales par exemple, mais aussi de nombreux
autres, en particulier ceux qui se trouvent en haute montagne. Les activités
traditionnelles pourraient continuer à s’y exercer, y compris la chasse pour
certains sites ;
- d’une Réserve de chasse ajoutée à la protection du
site.
Dans la quasi-totalité des zones retenues, la chasse
est la principale voire la seule atteinte permanente à l’avifaune, et doit être
interdite en vertu de la Directive qui indique que les Etats membres doivent
prendre les mesures appropriées pour éviter dans ces zones les
« perturbations touchant les oiseaux », outre la pollution et la
détérioration des habitats (Art.4). Par exemple, les Zones de protection
spéciale sur le domaine maritime qui n’interdiraient pas la chasse seraient
donc inutiles ;
- d’une Réserve naturelle, où les contraintes
seraient très élevées et où la pénétration humaine pourrait être totalement interdite
ou par périodes : c’est le cas des colonies d’oiseaux en période de
reproduction, ou des reposoirs d’oiseaux nicheurs ou migrateurs où le tourisme
et les chasseurs peuvent exercer une perturbation considérable. »
Vous le voyez bien, pour certains, la question du
maintien de l’activité cynégétique sur les ZPS est largement dépassée, pour ne
pas dire du passé. On nous offre dans ce schéma une petite lucarne pour la
chasse de quelques oiseaux en haute montagne, pour le reste, l’éventail de
choix se déploie entre la simple réserve de chasse, notamment sur le DPM, au
motif que la chasse serait « la principale voire la seule atteinte
permanente à l’avifaune », et la réserve sanctuaire dans laquelle
toute activité humaine serait prohibée.
Bien sûr, ce n’est là que l’avis d’un
protectionniste mais, comme nous l’avons vu, ce sont de tels avis qui fondent
le réseau ZPS et Natura 2000 auxquels la Cour a, en 1998, reconnu le caractère
de référence scientifique !
Nos inquiétudes sont donc, dès lors, plus que justifiées
et notre quête de vérité plus que légitime.
Ø Conclusion
Je ne saurais conclure cet exposé sans citer une
fois encore Mme WALLSTROM qui, en 2000, appelait à une « politique d’ouverture et
de transparence ». C’est ce que nous souhaitons tous, en matière
de chasse sur les ZPS et autres sites du réseau Natura 2000 : pouvoir
savoir, pouvoir comprendre afin de pouvoir ou non nous engager.
Car si nous sommes tous ici favorables à une
politique de protection des habitats, nous souhaitons que celle-ci se fasse
avec une vision humaniste de l’écologie, conforme à sa définition première qui
est « l’étude de l’être vivant dans son environnement » ce dont
l’homme fait nécessairement partie, évidence que les contemplatifs non
chasseurs ont parfois trop facilement tendance à oublier.
Il importe, dans cet esprit, de faire remonter vers
la Cour et la Commission tant nos inquiétudes que notre volonté indéfectible de
ne pas devenir les premières victimes des efforts que nous avons menés, seuls
jusqu’alors, en matière de préservation des habitats.
Nous ne pouvons concevoir cette politique de
protection sans le maintien de nos activités traditionnelles.
A cet égard deux pistes d’actions doivent être
suivies sans attendre :
§ D’une part, apporter un
soutien inconditionnel aux propriétaires-chasseurs des Pays-Bas dans le combat
qu’ils mènent aujourd’hui pour la sauvegarde de l’activité cynégétique sur les
ZPS ;
§ D’autre part, comme le
démontre une étude toute récente du CNRS en matière de perturbation,
sensibiliser les instances communautaires au fait que la chasse n’est pas
nécessairement la perturbation la plus significative pour les oiseaux et que
leur éventail de choix est alors très limité : soit ils maintiennent la
chasse sur les ZPS au même titre que les autres activités sauf à adopter une
politique particulièrement partiale et subjective ; soit ils déclarent les
ZPS zones sanctuaires en y prohibant toutes les activités de nature, ce qui
risque d’aboutir à la condamnation du processus Natura 2000 de protection des
habitats par bon nombre des citoyens de la Communauté.