Le colvert sauvage
Source « Le Chasseur de
Petit Gibier – SNCC »
Texte et photos Marc Dugrès
Le canard colvert (Anas
platyrhynchos) connaît en France une situation hybride. Il est à la fois
migrateur sauvage et sédentaire (semi) domestique, issu de lâchers plus ou
moins anarchiques. Gibiers d'appoint garantissant un tableau
dans certaines chassés, et
mauvais appelants réformes remis en liberté viennent rejoindre la grande
cohorte
des oiseaux qui peuplent nos
zone humides. Et ce en nombre non négligeable puisque d'après les
estimations
récentes, 1 400 000 colverts
seraient produits chaque année en France. Dans ces conditions, il devient
bien difficile de
distingueren nombre dans les tableaux les colverts sauvages «purs» et les
colverts
issus de lâchers, voire les
oiseaux issus du croisement des deux catégories.
Le mâle adulte typiquement sauvage, en période nuptiale, a le cou vert métallique orné d'un fin collier blanc à la base. On rencontre parfois des oiseaux au cou vert dépourvu de collier blanc. Le manteau et les scapulaires sont finement vermiculés de gris et de blanc et les pattes orange soutenu, voire rouge brique. La femelle adulte, en plumage nuptial, a la tête chamois pâle. Le sommet de la tête est sombre avec des reflets verts, alors qu'une bande noirâtre part du bec et se termine en pointe derrière l'oeil. En aucun cas cette bande ne peut être blanche. Les mâles en plumage dit d'éclipse présentent une teinte sombre et uniforme sur le cou et sur le dos. La calotte, uniformément brun-gris sombre, contraste avec le reste de la tête. Chez les femelles, les plumes couleur noisette cernée de brun foncé donnent au plumage un aspect écailleux. D'aspect général le «colvert domestique» est plus lourd (jusqu'à 1,4 kg au lieu de 800 à 900 chez le sauvage). Le squelette est plus épais. La tête est plus ronde, les pattes et le bec plus importants. Chez le sauvage la tête et le bec sont plus élancés. Une autre différence de taille entre ces deux cousins : la cane domestique peut pondre, jusqu'à 140 oeufs entre la mi février et la mi septembre si l'on adapte sa nourriture, contre beaucoup moins pour la sauvage qui va se mettre à couver après la première ponte, voire la seconde.
Dans
la dernière publication de Wetlands International sur l'évolution des
populations d'oiseaux d'eau, Paul Rose et Scott estiment à 5 millions
d'individus la population en Europe du nord ouest (elle serait stable), et à 1 million
celle de Nord Europe / Ouest Méditerranée (elle serait en augmentation). Selon
Wetlands International, la tendance observée depuis
1967
montre une certaine stabilité, mais un léger tassement sur les 10 dernières
années. Les pays bordant la Baltique accueillent environ 40% de l'effectif
moyen hivernant compté, et la partie ouest de la France 9%. Les vagues de froid
influent sur la répartition de l'espèce. Wetlands International indique que
dans les pays situés au nord des Pays Bas, les oiseaux sont environ 30% moins
nombreux lors des vagues de froid. En région Mer Noire- Méditerranée (le sud de
la France appartient à cette région), les effectifs sont estimés à 4 millions
de colverts.
En
janvier, le sud du pays accueille environ 8% de l'effectif moyen. Lors de
l'hiver 1997/1998 (derniers chiffres disponibles); les comptages réalisées par
le Réseau oiseaux d'eau - zones humides de l'Office national de la chasse et de
la faune sauvage au niveau national ont permis de recenser une moyenne de 125
000 colverts avec un effectif maximum de 166 155 individus par mois.
L'espèce
se montre omnivore et opportuniste. Chaque individu peut rechercher sa
nourriture sur le sol ou dans l'eau. Toutes sortes de graines, sauvages ou
domestiques, peuvent être consommées, ainsi que des insectes adultes et leurs
larves, des mollusques...
L’espèce est généralement considérée comme migratrice, bien que certaines populations tendent à se sédentariser, comme c'est le cas dans l'ouest et le sud de l'Europe. Les vagues de froid influent sur la répartition de l'espèce. Nous assistons ici à un très fort brassage de populations, puisque l'on peut trouver des éléments qui arrivent du Nord-Ouest de l'Europe (Russie, Scandinavie ... ) et des oiseaux qui viennent de l'est. Les mouvements vers les quartiers d'hiver commencent en août. Le pic en Europe de l'ouest se situe en novembre-décembre.
En
hiver, les Colverts se regroupent en troupes nombreuses dans les grandes
régions d'étangs, les baies, les estuaires et sur les grands fleuves. En
France, les plus fortes concentrations hivernales se trouvent sur le cours du
Rhin en Alsace, dans les grandes régions d'étangs, les baies, les estuaires et
en Camargue.
Sur
le département du Rhône, l'espèce est en expansion, si l'on se réfère aux
résultats des comptages hivernaux effectués depuis 1985 par la Fédération
départementale des chasseurs, les effectifs de canards Colvert ont
considérablement augmenté. De 200 à 500, avant 1990, ils passent la barre du
millier ces cinq dernières années (1 600 en décembre 1994).
Pourquoi
une telle évolution ? La politique menée depuis une dizaine d'années en matière
de réserve de gibier d'eau par la Fédération départementale des chasseurs du
Rhône porte aujourd'hui ses fruits puisque l'ensemble des sites à forte
concentration d'oiseaux ont été classés en réserve de chasse, améliorant ainsi
les conditions d'hivernage.
La
création de barrages, destinés à l'irrigation des cultures agricoles,
favorisant et multipliant les zones de reproduction; les aménagements faits par
les sociétés de chasse (restauration de mares, entretien de marais, etc.); les
limitations que s'imposent certaines sociétés de chasse, à l'exemple de l'ACCA
de Saint-Vérand où un seul Colvert est autorisé par jour, l'ACCA de
Saint-Martin-en-Haut, un par année, ou encore la société d'Albigny Montrottier
où l'espèce est fermée, contribuent et contribueront sans doute dans l'avenir à
augmenter encore les populations. (D'après Bruno Degrange, service technique.
In «le Chasseur du Rhône» sept. 95.)
La
dernière enquête prélèvements menée en 1998-1999 par l'Office national de la
chasse et de la faune sauvage et l'Union nationale des fédérations de chasseurs
estime le nombre des canards colverts prélevés à 1 561 150 à plus ou moins 2,4
% (contre 1 376 000 lors de l'enquête précédente en 1983/ 1984). Cet oiseau se
situe au 6ème rang des espèces prélevées juste derrière la perdrix rouge, mais
devant la perdrix grise et la bécasse. Le colvert représente 70 % du tableau de
canards de surface.
Quand
et où est-il prélevé en priorité? Les meilleurs mois sont les mois de
septembre, octobre et novembre, puis août (désormais exclu). La région
privilégiée semble être le centre et les pays de Loire (plus de la moitié du
tableau national), et plus généralement les régions d'étangs en eau douce.
Seuls 20% du tableau échouent aux départements côtiers.
Toutefois, comme le soulignent Jean Yves Mondain-Monval et Olivier Girard, les deux auteurs du travail sur le colvert : «Comparée à celle des autres canards, la situation du canard colvert est particulière en raison de l'importance de sa nidification en France et surtout des lâchers d’individus produits en captivité ou semi captivité».
des oiseaux lâchés après la saison de chasse
En
période de reproduction, le colvert colonise toute l'Europe, excepté son
extrême nord et les régions montagneuses. Il se reproduit également en Afrique
du nord. Inutile de préciser qu'il figure sur la liste des espèces les plus
répandues. D'après l'ouvrage de Cramp et Simmons, on peut situer la
distribution de ses effectifs comme suit : Islande 5 000 couples, Grande
Bretagne 40 000, Belgique 10 000, Pays-Bas 15 000, Finlande 160 000, Pologne 90
à 100 000 et pays de l'est 882 000. En France, comme nous l'avons vu, la
détermination oiseaux sauvages ou non se revelle si délicate que tout chiffre
risque d'être érroné.
Généralement,
sous nos lattitudes les pontes ne commencent qu'en mars (parfois mi-février).
Une étude menée dans le sud-ouest de l'Angleterre indique dix oeufs comme
taille moyenne d'une ponte. Après 27 à 28 jours de couvaison (extrêmes : 23-32
jours), naîssent les jeunes, indépendants et volants dès l'âge de 50-60 jours.
A noter que si la première couvée est détruite, une ponte de remplacement, dite
recoquetage, vient rétablir l'équilibre. Les zones de reproduction sont
réoccupées de mi-février à début mai, selon leur localisation. La fin du cycle
de reproduction est difficile à déterminer dans la mesure où interviennent des
oiseaux issus de lâchers.
Il
semble donc que le colvert sauvage ait encore de beaux jours devant lui.
Toutefois il convient de rester vigilants en ce qui concerne les lâchers, de
façon à conserver un plumage et un comportement typique aux individus libres.
Une canne appelant pas typée
Trop
de mauvaises imitations circulent désormais dans la nature. Ne voit-on parfois
un colvert possédant un cou anormalement long et même un bec bleu ou une cane
avec un large sourcil blanc ? Ne cherchez pas ils proviennent d'un
croisement colvert-pilet et colvert-sarcelle d’été.
Evitons
que de telles anomalies ne se reproduisent dans la nature. Il convient rester
très vigilants lors de lâchers et de ne surtout pas mettre en liberté, après la
saison de chasse, les mauvaises canes appelants. L'Association Nationale des
Chasseurs de Gibier d'Eau (ANCGE) s'élève d'ailleurs régulièrement contre cette
pratique.
Particulièrement
présent lors des coups de froid, périodes où il se déplace par bandes d'une
dizaine d'individus, il se différencie déjà par sa taille. Il est facile à
identifier par rapport aux autres espèces sauvages car il ressemble comme un
frère aux appelants. Avant la pose il adopte des attitudes bien
caractéristiques. Il chante en vol, une attitude particulièrement flagrante
pour les canes qui lancent des « kin-kin » reconnaissables. Les appelants
ne s’y trompent généralement pas et forcent à tout va. Lorsqu'il se décide à
poser il fait un bruit important un peu semblable à celui d'un hélicoptère. Il
n'est cependant pas moins méfiant. Il reste généralement à l'écart des
appelants et des formes. Il reste un bon moment aux aguets comme le prouve son
cou tendu.
Lorsqu'ils
sont plusieurs ils se déplacent alors en file indienne et finissent par se
rapprocher des canes appelants, tout en restant méfiants avec les formes. Une
fois en confiance ils n'hésitent pas à plonger jusqu'à mi corps dans l'eau pour
se nourrir et battent fréquemment des ailes.
Avec
un minimum de précaution la prise est assurée. Même si cette es se révèle
commune, même en été où les colverts se déplacent en famille, le sauvaginier
est toujours très satisfait de tirer et de rapporter à la maison un vrai
sauvage ! C'est ce que nous vous souhaitons pour la prochaine saison.
Bibliographie :
Enquête
nationale sur les tableaux de chasse à tir. Faune sauvage N° 251 ONCFS/UNFDC
2000
Reconnaître
les oiseaux d’eau la nuit. Dr Philippe de Cheyron. Association Picarde des
chasseurs de gibier d’eau. 1995
Waterfwol population estimate P. Rose et D. Scott. Wetlands international 1997.